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Le téléphone portable en Centrafrique : qu’en est il de son utilisation ?

Absent de Bangui depuis quelques semaines pour des raisons professionnelles je n’ai pu publié de post comme il se devait. Vous êtes sûrement restés assoiffer des nouvelles venant de la charmante capitale bantou. Qu’à cela ne tienne, je reviens en force avec une analyse sur l’utilisation du téléphone portable en Centrafrique. Je me suis basé sur des documents et les comportements des banguissois, ceux là avec qui je partage la même ville.

Rarement éteint, toujours à portée de main, regardé et consulté à tout moment de la journée, le téléphone portable est entré dans la vie des centrafricains en 1996, avec la libéralisation de ce secteur. Depuis les choses ont continuées à évoluer et en 2007, le paysage des télécommunications en RCA s’accroît avec l’entrée d’un quatrième opérateur dans ce secteur. La concurrence est accentuée, favorisant ainsi une forte croissance du nombre d’abonnés ainsi que le développement de nouveaux services. Le nombre des abonnés aux réseaux de téléphonie mobile en Centrafrique est allé de 24 000 abonnés en 2000, pour se tabler à plus d’un million cette année. Il importe de se pencher sur les comportements sociaux que génère ce dispositif de communication, notamment la relation entre chaque utilisateur. Nombreuses sont les recoins à explorer tellement la diversité des usages est patente (objet de luxe, personnel ou partagé, usage exclusif ou mixte, usage par tendance ou quête de facilité de communication…) Mon analyse consistera à comprendre : quelle est la perception qu’ont les utilisateurs eux même ont de l’usage du téléphone portable ? Comment se construit la norme d’usage ? Quels sont les comportements que génère l’usage des téléphones portables ?

Le téléphone portable dans la vie des centrafricains : tendance ou coût abordable ?

Comme partout en Afrique, le téléphone portable est entré dans la vie des populations centrafricaines, il est présent même dans les ménages les plus démunis favorisant une source de dépense de plus. Dans la plus part des cas on ne sait même plus comment le téléphone a atterrit dans le foyer. Yousouf, chef d’un foyer de quatre enfants dit : « C’est comme une deuxième épouse Trois, quatre ans ? Je ne sais même plus quand je l’ai eu… bon mais comme tout le monde l’avait je l’ai aussi eu… ». Evidemment il n’est pas le seul est à être dans la même situation. Moi au moins je sais quand et comment je l’ai eu, me disais je face à Youssef. Pour une petite histoire au lecteur, c’était en 2005, un nouvel opérateur venait de déployer ses services et vendait une puce avec 3000 Fcfa de crédit à 3000Fcfa de crédit. C’est du « gratos » disait on à l’époque. Un cellulaire, une puce et 500Fcfa de recharge à 4900Fcfa c’est le slogan des opérateurs de téléphonie mobile en Centrafrique. Entre tendance et coût d’acquisition très abordable, le téléphone portable est entré dans la vie des centrafricains au point de devenir une partie de leur chaire.

Qui fait quoi avec son téléphone ?

« Je fais ce que je veux avec mon téléphone » dixit ma petite amie quand je lui parle de certains de ses appels suspects. Aussi varié que les modes d’acquisition, l’usage du téléphone portable en Centrafrique varie selon les catégories sociales et d’âges. La question de l’usage est fortement complexe. Chaque usager à une perception différente, ce qui mène à la constitution de groupes que la plupart d’études quantitatives ont tendance à assimiler à des consommateurs. Les agents économiques centrafricains ont trouvé dans le téléphone portable un moyen facile de communiquer et peuvent faire des transactions financière sans se déplacer. El Hadj Abdoulaye, grossiste du KM5 me confit qu’il n’a pas besoin de se trop faire de gymnastique pour s’approvisionner, juste un coup de fil suffit. Pour les parents qui ont la gentillesse d’offrir un portable (voici une des dénominations par abus du téléphone portable, quand on ne vous l’appelle pas appareil, « Ngou komba » ou «kalamba » [ici pour désigner les téléphone promotionnels très moins cher]) à leur enfant, il constitue pour eux un moyen de gestion à distance mais surtout de contrôle du jeune. Il permet de savoir rapidement où il se trouve, ce qu’il fait et surtout de le rappeler à l’ordre s’il est en retard. Si cela est accepté dans le milieu jeune, c’est qu’en retour, il a l’avantage de l’utiliser comme élément de réassurance. Entre jeune, le téléphone portable est un moyen d’accès direct à son réseau amical. D’autre part, il y a des centrafricains « malins » qui utilisent le téléphone portable pour entrer facilement en contact avec des personnes ayant un niveau social plus élevé, des dignitaires, des personnes plus âgées (pour les jeunes)… sans passer par le « protocole ».

Les normes d’usage

Les bipeurs, les bipés, les amateurs de texto… les catégories d’usagers dépendent de l’âge, de la catégorie sociale et du niveau d’instruction. Ici, la plupart de jeunes avouent dépenser la quasi-totalité de leurs crédits en SMS. D’autant qu’ils peuvent se dialoguer, en répondant successivement un nombre interminable de fois. Les personnes ayant un niveau social en deçà de la moyenne se communiquent ou communiquent avec les autres par des bips. « Un bip c’est pour dire que j’arrive vers toi, deux bips c’est pour connaître la position d’un tel » témoigne un amateur de bip. Naturellement on ne bipe que celui qui peut rappeler.

Avec la concurrence, les opérateurs téléphoniques lancent plusieurs fois au cours de l’année des ventes promotionnelles de téléphone portable. A Bangui on vit chaque mois, chaque semaine, chaque jour ces ventes au détriment des petits détaillants en accessoire multimédia. Sur ce point il n’ y a quasiment pas de catégorie, jeunes, adultes, riches, pauvres se ruent sur les téléphones moins chers qui ont finis par se présenter comme étant des objets tendances. Vu la profusion des « kalamba », le téléphone n’est plus un luxe en Centrafrique à tel point que celui qui n’en dispose pas est perçu comme étant un handicapé.

Quels sont les comportements que génère l’usage des téléphones portables ?

Le premier fait notoire qu’a introduit le téléphone portable en Centrafrique est d’abord le maintien permanent des liens. Le fait de contacter autrui relève de la spontanéité, du désir, de l’impulsion et ne saurait attendre. D’autre part il permet une ouverture d’esprit. Au téléphone les gens arrivent mieux à n’importe quel moment extérioriser ses émotions sans contrainte sociale, tout dire, même des bêtises, des choses sans importance, se raconter des mensonges, exprimer des mots doux… Pour certains le fait qu’on de recevoir un coup de fil dénote d’une marque d’attention (on pense à lui). Tous ces sentiments ont participé à la création de nouveaux codes sociaux en Centrafrique.

Conclusion

Il convient de prendre en compte qu’en Centrafrique, le téléphone portable constitue pour la plupart des parents un outil de contrôle parental. La légitimité de l’usage des téléphones portables en Centrafrique se construit à travers la nécessité d’entretenir l’unité familiale et le besoin de réassurance. Pour les commerçants et autres affairistes, il constitue une buée d’oxygène, car il permet à ces derniers d’économiser en terme de finance et de temps. Certains des usagers embarqués par tendance ou par désir de se montrer capable ne peuvent se passer de leur portable malgré le coût de consommation inflationniste, mais ces usagers n’hésitent pas de s’asseoir sur leur panique.

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Auteur·e

assaaz

Commentaires

Jean-Pierre MARA
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bonjour,
merci pour cette analyse édifiante qui renvoie immédiatement à plusieurs autres:
1- La RCA compte 4 millions d'habitants dont 6 000 000 à Bangui. Alors d'ou viennent les 1000 000 d'abonnés au vue de la précarité en RCA, taux d echômage très élevé, précarité du travail ,etc.. Comptez vous ce millions en termes commercial réel ou en nombre de portable vendus?

2- Comment peut on réellment faire du chiffre avec 4 Opérateurs ( Telecel-Mov-Nation Link- Orange) pour un million d'abonnés si même les 1 000 000 consomment réellement et ne bip pas la majeure partie du temps?

3- L'essor du Mobile ne cache t-il pas un réel problème, notamment le manque d'infrastructure du fixe pour les activités économiques telles que l'envoie de documents commerciaux par Fax vers la RCA? les échanges entre partenanires commerciaux par Téléphone, échanges impossibles par portable vus les durées de certains discussions commerciales?

A mon avis, ce sont ces trois poinst qui ont con,duit la RAC au 172eme rang sur l'index du climat de saffaires

Néanmoins, félicitation pour votre travail

j. P MARA

Jean-Felix
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J'ai lu votre analyse et je la trouve intéressante. Cependant,dans ce cadre d'analyse, vous devez tenir compte de la représentation des différentes couches et niveaux.
Il y a 3 choses au préalable qu'il ne faut pas ignorer a savoir: Les arrivistes, les attentistes et les conservateurs. Des qu'un phénomène de mode survient il faut nécessairement tenir compte de ces différents types de consommateurs.
Maintenant, au niveau local, au niveau niveau régional et niveau national la représentation n'est la même. Quelles sont les fonctions latente et manifeste du téléphone portable? La conclusion me semble ne pas être convaincante. Suis d'accord lorsque vous affirmer la représentation des commerçants mais pas celle des parents. Car pour la plupart des cas, cette confirmation est valable pour certains parents aisés, car certains enfants n'obtiennent pas des téléphones par l'entremise de leurs parents. Vous parlez de la création des nouveaux codes sociaux, vous allusion a quoi? L'épiphénomène qui vient se greffer a certain comportements ne traduit pas les normes car, les normes sont en quelque sorte des balises qui bien évidemment existent en dehors de ces phénomènes de "bipes".

Nadya
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Pour le contrôle parental je trouve que des enfants n'ont pas besoin de portable pour se faire contrôler, car ils peuvent mentir comme ils veulent, souvent certains ont des téléphones qu'ils cachent à leurs et mettent sur le monde silencieux, décrochent quand les parents dorment déjà, ceci est très dangereux. Certes le téléphone portable est un moyen de communication mais il est la cause de nombreuses séparations, divorces, dans la capitale, alors nous les populations nous devons savoir l'utilité de cet appareil