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Tchad : asphyxie de l’économie numérique

De la censure des réseaux sociaux (moteurs du marketing digital) à l’augmentation des taxes sur le revenu des opérateurs mobiles, le quotidien de nombreux internautes tchadiens reste parsemé d’embûches.

Du 27 février au 02 décembre 2016, les réseaux sociaux avaient été interrompus au Tchad, forçant les utilisateurs à avoir recours aux applications VPN* (réseaux privés virtuels) pour se connecter.

Selon l’ONG Internet Sans Frontières, cette situation aurait duré 235 jours et aurait fait perdre au Tchad environ 18 millions d’Euros, soit près de 18 milliards de francs CFA. En ce qui me concerne, j’ai dû maintenir mon budget internet tout en limitant ma fréquence sur les réseaux sociaux. Pas de pertes pécuniaires dans ce sens, par contre un frein pour mes activités citoyennes (partages d’informations, participation à des débats en ligne, formation…) et professionnels. Il m’a fallu désinstaller des widgets qui affichent les comptes/pages des réseaux sociaux sur quelques sites web, que je gère, afin d’éviter d’y avoir des messages d’erreur.

En ce qui concerne le rétablissement des réseaux sociaux, l’ONU (à travers son rapport spécial pour la liberté d’expression) en serait pour quelque chose. Il avait adressé une lettre de demande d’explication aux autorités tchadiennes le 7 novembre 2016 tout en leur accordant un délais de 60 jours pour répondre.

Après la censure, vient une taxe

Quarante jours après la censure des réseaux sociaux, l’Assemblée Nationale adoptait une nouvelle loi des finances pour l’exercice 2017, dont l’article 28 institut un droit d’accise au taux de 18% mensuel du chiffre d’affaires mensuel déclaré par les opérateurs de téléphonie mobile. Cette dernière taxe, qui s’applique sur toute communication (appel, SMS, internet) remplace les taxes RAV (Redevance Audio-Visuel) et FNDS (Fonds National pour le Développement du Sport) qui s’élevaient à 10Fcfa chacune par jour. François Djekombé, ex journaliste de BBC Afrique, rappelle dans un coup de gueule sur Facebook, que ces opérateurs collectent déjà à l’Etat une TVA de 18%. (…) Savent-ils (les tchadiens) qu’ils paient désormais 36% sur leur communication téléphonique ? Taguera-t-il ses compatriotes dans un autre post, comme pour les mettre à l’évidence de la situation.

Cette taxe, bien qu’instituée pour renflouer les caisses de l’État, n’encourage pas la démocratisation d’internet dans le pays et l’essor de l’économie numérique, quand on sait que cela n’est possible que grâce au développement des contenus numériques. Elle n’est rien qu’une manière de déshabiller Pierre pour habiller Paul.

Le Tchad qui est classé avant dernier par lUIT, devrait pourtant tout mettre en œuvre pour inverser la tendance, mais au contraire, il a choisi d’enclaver davantage sa population en faveur de ses caisses.

Pas d’internet, pas d’économie numérique

L’économie numérique est aujourd’hui un vecteur de croissance, de productivité et de compétitivité des entreprises et même des pays. C’est un secteur stratégique de l’économie et sa contribution à la croissance des Etats est non négligeable. En France, le numérique représentait 5,5% de la valeur ajouté créée et son poids dans la contribution à la croissance est plus importante que celui des secteurs traditionnels. En 2015, l’économie numérique représentait 10% du PIB de la Côte-d’Ivoire.

Ces chiffres démontrent combien il est important pour le Tchad (dont l’économie est en mal à cause de la chute du prix du brut), de disposer d’un plan de développement de l’économie numérique, au point d’en faire une alternative économique. Il faut à tout prix banaliser l’accès à l’internet, le rendre accessible à tous afin de permettre aux tchadiens de s’ouvrir au monde, de s’auto-former et surtout de trouver du travail grâce aux millions de métiers qui lui sont affiliés.

Si le Tchad est à la traîne en matière de contenu numérique, c’est aussi à cause du coût excessif d’accès à l’internet. Au Tchad, les forfaits d’accès à internet coûtent dix fois plus qu’au Cameroun voisin, même si ce dernier a un accès à la mer, donc une facilité de connexion aux câbles marins, cette différence est difficilement soutenable. Même si trois projets d’interconnexion du Tchad à la fibre optique sont en cours : depuis l’Algérie, le Cameroun (déjà mise en place mais pas effectif) et le Soudan -faisant tous pondre des slogans politiques tel que « Tchad : hub  africain des TIC »– l’avenir de l’économie numérique reste toujours compromis dans ce pays de l’Afrique Subsaharien.

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Auteur·e

assaaz

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