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Alabira Louqmane, l’indigné de la crise #Centrafricaine

La guerre qui se déroule en Centrafrique, comme tout autre, a ses raisons et ses torts. Admettre que cette guerre est celle des confessions, n’est pas tout à fait juste.  Pourtant, les ingrédients d’une telle guerre sont déjà là, à Bangui et sur l’ensemble du territoire Centrafricain. Instrumentalisés, épris de haine et de vengeance, c’est une population aidée par les anti-balaka (milice d’auto-défense, transformée en groupe rebelle contre les Seleka et leur chef Djotodia) qui s’en est pris à tout ce qui est musulman. Des mosquées ont été vandalisées, le saint coran brulé, des corps humains mutilés, brûlés et même mangés… Des scènes horribles qui se sont déroulés devant les caméras de plusieurs médias internationaux.

Alabira Louqmane est un jeune musulman centrafricain de 24 ans. Il raconte son calvaire. Une peine quasi-quotidienne qu’il endure depuis 2003, mais qui s’est accentuée avec la perte du pouvoir de l’ex coalition rebelle Séléka composée d’une horde de mercenaires venues du Soudan et du Tchad, gonfler ses rangs. Crédibilisée au début de ses offensives contre le président déchu François Bozizé, par certains médias, l’ex coalition a perdue toute crédibilité. Avant et pendant leur accession au pouvoir le 24 Mars 2013, les ex-rebelles s’en sont pris aux populations civiles à travers plusieurs exactions graves et désormais chaque rebelle en faisait de sa tête car devenu incontrôlable. La démission de leur chef Michel Djotodia, qui s’était autoproclamé président de la transition, s’en est suivie le 10 janvier 2014 devant les Chefs d’Etat de la CEEAC (Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale) à N’Djamena. La communauté musulmane de Centrafrique est donc en train de payer des errances de l’ex-Séléka. Victime d’une vengeance gratuite ?

Alabira Louqmane, photo de journal facebook
Alabira Louqmane, photo de journal facebook

Louqmane est un féru des réseaux sociaux et se réclame indigné. J’ai commencé à le suivre il y a pas longtemps sur facebook. Très vite, la pertinence de ses posts, sa neutralité dans les commentaires… ont attirés mon attention. Très ouvert, il a accéder à ma de demande de publier quelques-unes de ses anecdotes sur mon blog. « Mon père est né vers 1945 à Bocaranga, dans le Nord-Ouest de la Centrafrique. Ma mère s’est convertie à l’islam avant son mariage avec mon père. Je n’ai pas d’autre pays que la Centrafrique, donc je suis et je resterais centrafricains », persiste Louqmane tout au long de notre entretien sur facebook.

Titulaire d’une Licence Professionnelle en Banque, Microfinance et Assurance, Louqmane n’aura peut-être pas la chance de finaliser cette année le Master1 en Administration et Gestion des affaires auquel il est admis à l’université de Bangui. Pour cause, son pays est en guerre, une guerre inutile m’assure-t-il. Il repart loin, en 2003, pour relater les horreurs dont sa famille et lui ont été victimes.

« En 2003, pendant que les rebelles Banyamoulengués (éléments du chef rebelle congolais -RDC- Jean Pierre BEMBA) reprenaient le contrôle des différentes villes des mains des rebelles de Bozizé, les musulmans ont dû fuir Bozoum, préfecture de l’Ouham Pendé dans le Nord-Ouest de la Centrafrique, par crainte de représailles, car les assaillants entraient déjà dans la ville. Ils s’attaquaient aux musulmans, car les rebelles (de Bozizé) étaient majoritairement musulmans. La population musulmane de Bozoum a fui par Bocaranga pour se rendre au Tchad. Ma famille a aussi pris fuite m’oubliant seul à la maison et j’ai dû la garder jusqu’à leur retour.

Le 13 Septembre 2007, les rebelles de l’APRD (Armée Populaire pour la Restauration de la Démocratie, dirigé par Jean-Jacques DEMAFOUTH) ont attaqué Bocaranga ma ville natale. Au lieu de s’en prendre aux forces de l’ordre, ils ont attaqués les civiles en pillant les boutiques des musulmans et de quelques chrétiens.

Aujourd’hui encore, tous les musulmans de Bocaranga sont en fuite, du fait des exactions des anti-balaka. Les anti-balaka les ont promis la vie sauve s’ils les donnaient 4000000XAF et deux Kalachnikovs. Pourquoi de telles revendications de ces Bandits ? Alors ils sont allés trouver refuge au Tchad. Le quartier Haoussa qui est la cité des affaires, à Bocaranga, a été saccagé, pillé et les maisons incendiées. A Bozoum, les musulmans sont un peu tranquilles, mais ils doivent payer 50000XAF par jour aux éléments Camerounais de la MISCA (Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique) qui assurent leur sécurité.

La majorité de mes compatriotes qui ont fuis vers le Tchad ne sont pas des tchadiens. Ils cherchent juste un endroit où trouver refuge. Je risque d’en faire autant, car l’oncle à ma mère avec qui je vis a quitté la maison avec sa famille. Nous habitons un quartier musulman mais mon grand-oncle a peur que les anti-balaka attaquent et aussi il a peur que les ex-seleka ne s’en prennent à lui. »

Aux dernières nouvelles, Louqmane se trouve au quartier KM5 (Kilomètre 5) de Bangui, dernière bastion tenue par les musulmans en attente d’être acheminé au Tchad où il compte entamer une nouvelle vie. Certainement, une vie de réfugié à laquelle il ne s’est jamais imaginé.

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Auteur·e

assaaz

Commentaires

Baba Mahamat
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Témoignage émouvant qui retrace les difficultés rencontrées par ma plupart des musulmans de Centrafrique. Que Dieu l'aide dans son entreprise de quitter Bangui, seul recourt a l'heure actuelle pour être en sécurité. Triste RCA